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✍️ Alfonsina Strada : l’unique femme à avoir bouclé un Grand Tour cycliste masculin.

  En 1924, une Italienne de 33 ans, Alfonsina Strada, brise les conventions en participant à une compétition réservée exclusivement aux hommes : le Tour d’Italie, alors une course entièrement masculine. Bien qu’elle n’ait pas levé les bras à l’arrivée, elle est allée jusqu’au bout, un exploit à l’époque. Portrait d’une pionnière oubliée, pour qui la bicyclette représentait bien plus qu’un simple sport : un véritable levier de liberté.

Alfonsina Strada : quand une femme osait défier le cyclisme dominé par les hommes.

Pour Alfonsina, le vélo incarnait sa liberté. Née en 1891 dans une famille modeste du Nord de l’Italie, elle découvre la bicyclette à dix ans. Son père échange alors quelques poules contre un vieux vélo, un jouet qu’elle utilise pour braver les interdits dans une époque où la pratique du vélo par les femmes faisait scandale. Son tempérament audacieux l’incite rapidement à participer à des courses cyclistes, souvent contre des hommes, et elle en sort victorieuse. Sa passion et sa ténacité la conduisent à parcourir l’Europe, où elle devient une figure emblématique du cyclisme féminin.

En 1911, elle établit un record de l’heure pour les femmes, parcourant 37,192 km. Pourtant, malgré ses victoires, elle reste une exception dans un univers sportif largement dominé par les hommes.

Giro 1924 : un exploit sans précédent.

L’année 1924 marque une étape décisive dans sa vie. Le Giro d’Italia traverse une crise : les grandes équipes professionnelles boycottent la course pour protester contre les conditions de l’épreuve. Le directeur de course, Emilio Colombo, décide alors d’ouvrir la compétition aux coureurs indépendants. Alfonsina s’inscrit sous le pseudonyme « Alfonsin » pour éviter d’être disqualifiée.

Dès les premières étapes, elle surprend le peloton : elle ne roule pas en queue de peloton, mais maintient un rythme soutenu, dépassant même certains concurrents masculins. Cependant, lors de la huitième étape, sous une pluie battante, elle chute, brise son guidon et doit abandonner, hors délai. Officiellement disqualifiée, l’organisateur Emilio Colombo lui permet néanmoins de continuer la course hors classement, afin de profiter de l’engouement qu’elle suscite auprès du public. Elle persiste jusqu’au bout, là où 60 autres coureurs abandonnent.

L’héritage d’Alfonsina Strada dans le cyclisme féminin.

Après le Giro, Alfonsina continue de rouler, mais ne pourra plus participer aux grandes compétitions masculines. Elle se tourne alors vers le cyclisme féminin et les courses d’exhibition, remportant 37 victoires contre des hommes. À la fin de sa vie, elle ouvre une boutique de vélos à Milan, restant fidèle à sa passion.

Son histoire, longtemps oubliée, résonne aujourd’hui comme un symbole de la lutte pour l’égalité dans le cyclisme. Il est intéressant de noter qu’en Italie, pays à la réputation machiste, le Giro Rosa, l’équivalent féminin du Tour d’Italie, a été lancé en 1988. En comparaison, le Tour de France féminin, après une première tentative dans les années 1980, n’a repris qu’en 2022, après 33 ans d’absence.  A lire: